Le député Marc Le Fur est très impliqué dans
la
réunification de la Bretagne. Suite à l’échec du referendum dont il
regrette le résultat en Alsace, il a déclaré que «
En Bretagne, ajoute-t-il, le débat touche aux limites régionales qui
sont insatisfaisantes pour beaucoup d'élus. Notre région est actuellement amputée
de la Loire-Atlantique. Nous souhaitons que ce département, avec Nantes, soit
rattaché à la Bretagne administrative, de manière à ce que la Bretagne
historique soit reconstituée. »
Il va continuer à défendre cette idée. On en pense ce qu’on
veut. D’un point de vue politique, le projet n’a aucune de chance de passer :
les bretons voteraient comme les Alsaciens pour sanctionner les politiciens et
le Gouvernement.
Monsieur Le Fur mène les combats qu’il veut.
Vous vous demandez pourquoi je m’intéresse à ça subitement ?
Dans le cadre de mon blog politique, je m’intéresse beaucoup à trois sujets :
-
la crise du pouvoir actuelle, qui montre
que notre République est ébranlée, poussant certains à vouloir une évolution de
la Constitution,
-
la réforme territoriale souhaitée par le
Gouvernement, que je soutiens pour différentes raisons,
-
l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, que
je défends également pour des raisons diverses mais si j’y accorde une
importance, c’est pour des raisons politiciennes.
L’aéroport de NDDL se place dans un projet stratégique pour
créer une « métropole Européenne » avec Rennes et Nantes (voire Saint
Nazaire), le tout parallèlement au très officiel
pôle métropolitain Loire Bretagne
qui regroupe les métropoles de Nantes, Angers, Rennes, Brest et Saint Nazaire et dont vous n'avez probablement jamais entendu parler.
Dans le cadre de la réforme territoriale, il se pourrait que
la « communauté urbaine de Lyon » fusionne avec le département ou que
le département « disparaisse ». En région Parisienne, des communautés
de communes, plus précisément les Établissement public de coopération
intercommunale, seront amenées à se renforcer. Une nouvelle entité va être
créée : Paris Métropole, comprenant toute la région sauf les zones
rurales. Ce n’est pas une lubie de la gauche, c’est le prolongement logique de
différents rapprochements et évolutions progressives des relations entre les
collectivités territoriales. Le Grand Paris créé par Nicolas Sarkozy rentre dans
ce cadre.
Ces nouvelles entités sont nécessaires notamment pour le
développement économique des territoires, qu’ils soient, très locaux (on le
voit par exemple à la montée en importance de la CIDERAL) ou à l’échelle de
plusieurs régions. Par exemple, le pôle métropolitain s’étale sur plusieurs
régions. Quelles que soient les évolutions de la Bretagne administrative,
Angers n’en fera jamais partie.
La création de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes entraînera
la fermeture des vols commerciaux à Nantes Atlantique (et probablement à Rennes
Saint Jacques mais, à ma connaissance, rien n’est annoncé). Ce sont, du coup,
les villes ou départements au sud de Nantes, dont la Vendée qui vont être
pénalisées, s’éloignant d’une bonne demi-heure de l’Aéroport, voire deux heures
quand le Pont de Cheviré est bouché. « Nous » aurons besoin de mettre
en œuvre une politique de solidarité avec eux qui pourrait – par exemple – se traduire
par la création d’un nouveau pont pour traverser la Loire à Nantes ou d’une
meilleure desserte en train.
Notre-Dame-des-Landes concerne bien tous les acteurs économiques
qui se trouvent à 1h30 de l’Aéroport. Un patron d’une PME à Loudéac pourra
faire l’aller-retour en une journée avec la plupart des capitales Européennes.
Mon propos n’est pas de défendre la construction d’un
aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou la réforme territoriale (je le fais dans
mon blog politique), je n’oublie pas les problèmes environnementaux qui sont
posés par NDDL et les réticences à la réforme territoriale.
Néanmoins, il est évident que le développement des
territoires se fera par des accords entre municipalités puis entre EPCI
(communauté de communes) avec des articulations différentes selon la taille des
villes. Lille, Paris, Lyon et Marseille, dans des formes différentes, ne peuvent
se développer sans leur entourage. De même, c’est bien en se battant ensemble
que Loudéac et Pontivy ont réussi à avoir un hôpital à Kério, ce qui fait que
les habitants du secteur autour de ces deux pôles peuvent soigner leur cirrhose
à moins de 25 minutes de chez eux.
La structure administrative de la France ne correspond plus
aux exigences du développement de ses territoires. Loudéac et Pontivy sont
condamnés à travailler de pair alors qu’ils ne sont pas dans le même département
et en tenant compte du fait que les deux villes sont eux-mêmes au centre de
territoire, marqués essentiellement par leurs EPCI réciproques, la CIDERAL pour
ce qui nous concerne.
Ainsi, les Régions et les Départements ne sont plus qu’à
considérer comme des structures administratives. Les grosses métropoles,
Marseille, Lyon et peut-être Lille (mais ultérieurement), en tant qu’EPCI,
auront des attributions des départements et des régions.
Les Régions et Départements restent important pour la
représentation de l’Etat mais aussi pour ce que la loi a prévu de leur confier
comme responsabilités à l’issue des phases de décentralisation (l’acte III
devrait arriver dans l’année avec le transfert vers les régions de la
responsabilité de l’action économique).
Observer les scrutins électoraux montre que les taux d’abstention
sont très forts pour les élections européennes, les régionales et les cantonales
sont très forts. Les gens ne se déplacent plus que pour la présidentielle, les
législatives et les municipales. Ils font confiance à des hommes (le Français cherche
l’homme
fort surtout dans notre période agitée par une crise économique et une
crise institutionnelle). Les évolutions du monde font que les gens font
confiance en un Président de la République pour gérer ses affaires avec l’Europe
et à leur Maire pour leurs affaires locales, leurs alliances avec les voisins, …
Les législatives ont un taux d’abstention faible parce qu’elles
suivent la présidentielle. Lors des scrutins partiels, le taux est énorme. Nous
avons dans la démocratie Française deux échelons vus comme importants qui se
traduisent par l’importance de leurs représentants : le président de la
République et le Maire.
Revenons à nos moutons…
Nous parlons donc de la région Bretagne mais aussi de la région
Pays de Loire puisque le rattachement de Nantes à la Bretagne créerait une
division des Pays de Loire. Les régions ont en
charge :
la gestion des lycées, l'enseignement supérieur et la recherche, la formation
professionnelle et l'apprentissage, le développement économique, l'aménagement
du territoire et les infrastructures.
Concrètement,
la Bretagne consacre 36% de son budget à l’éducation et 32% aux transports
(financement du TER, de la mise à deux fois deux voies de la N164 et la
création de pôles d'échanges multimodaux qui permettront de faciliter les
échanges entre les différents modes de transports en commun).
J’habite en région Parisienne. La campagne pour les
régionales de 2010 a porté uniquement sur les problématiques de transports. C’était
ubuesque, d’autant que le projet du Grand Paris commençait à se dessiner et que
le STIF (qui gère les transports en commune) avait été transféré « à la
région » depuis peu. Selon les plans de l’époque les transports en commun
n’auraient été réellement à la charge de la région que pendant quelques années,
d’autant que la RATP et la SNCF, les principaux opérateurs, appartiennent à l’Etat.
Changer la structure administrative de la Bretagne, au vue
de ces missions, n’aurait aucun intérêt.
Regardons maintenant une carte de la Bretagne
administrative. Nous avons une métropole à chaque bout. Ajouter un département
avec une autre grosse métropole ferait nécessairement perdre du poids aux deux
autres. On peut poursuivre l’étude dans le détail. Les Côtes d’Armor ont une agglomération
importante (les deux autres agglomérations importantes, comme Loudéac, d’ailleurs,
sont plus proches d’un autre département que de leur chef lieu). Le Morbihan a
deux villes importantes de « poids » relativement proche.
Les projets de développement économique ne se feront plus en
fonction du découpage administratif de la France mais de nouvelles structures,
orientée autour de pôles, des villes, des métropoles, des EPIC, …
Le combat de Marc Le Fur me parait totalement rétrograde.
Ce n’est en aucun cas une priorité. Il devrait, par exemple,
se battre pour Notre-Dame-des-Landes parce que la capacité de développement industriel
de nos territoires de Centre Bretagne passe par la proximité des dirigeants d’entreprise
avec leurs partenaires commerciaux.
Vous voulez vendre des saucissons à Prague, vous prenez
votre voiture à 6 heures à Loudéac, un avion à 8h30 à NDDL, vous arrivez à 10
heures à Pragues. Vous prenez un avion à 17 heures et vous êtes à la maison à
20h30.
Marc Le Fur montre qu’il se bat pour la Bretagne. Ce n’est
pas sa mission, le rôle d’un député est strictement national.
Il se bat pour la Bretagne pour des motifs relativement peu
intéressants. Ne perd-il pas de l’énergie alors qu’il pourrait mener des
combats plus justes pour son arrondissement ou son pays ?
Ce qui ne m’empêche pas d’être aussi attaché que lui à la Bretagne
et à son histoire ! Mais l’histoire de cette Bretagne s’est arrêtée vers
(en ?) 1790 quand nous avons intégré « la République Française ».
Sinon, au nom de l’histoire, on pourrait décider de revenir à la Bretagne du
VIIIème siècle.
Nous avons intégré la République Française. Marc Le Fur est
élu de la République Française.
Nicolas