mardi 5 février 2013

Un referendum pour le mariage pour tous ?

Le blog de Marc Le Fur est passionnant à suivre en direct. Il vient de diffuser la 33ème intervention qu’il a faite dans le cadre du mariage pour tous. A noter que je ne sais pas du tout dans quel contexte il fait cette intervention. Toujours est-il qu’il réclame un referendum pour ce texte, referendum qui n’est pas possible. Nous agirions alors anticonstitutionnellement ce que j’écris uniquement pour avoir le plaisir d’utiliser pour la première fois de ma vie le mot le plus long de la langue française.

« La majorité est en train, une fois de plus, de faire la démonstration qu’elle veut passer en force !  Je retire de cette expérience une leçon : la démocratie directe a bien des vertus et nous devrions, sur ce type de débat comme sur d’autres, recourir, dans la tradition qui est largement la nôtre, à la démocratie directe – qui n’est pas le propre de la Suisse ou de certains États américains : c’est aussi une réalité française. Nous avons su, en particulier à l’initiative du général de Gaulle, organiser des référendums. »

Ah ! En appeler au Général !

Rappelons les referendums qui ont été effectués en France depuis la cinquième République.

28 septembre 1958 - Constitution de la Ve République
8 janvier 1961 - Référendum sur l'autodétermination en Algérie
8 avril 1962 - Référendum sur les accords d’Evian
28 octobre 1962 - Référendum sur l'élection au suffrage universel du président de la République
27 avril 1969 - Référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation (le non l’a emporté, provoquant le départ du Général)
23 avril 1972 - Référendum sur l'élargissement de la CEE (Royaume-Uni, Irlande, Danemark et Norvège)
6 novembre 1988 - Référendum sur l'autodétermination en Nouvelle-Calédonie
20 septembre 1992 - Référendum sur le traité de Maastricht
24 septembre 2000 - Réduction de 7 à 5 ans de la durée du mandat du président de la République
29 mai 2005 - Référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe (le non l’a emporté)

Tous les referendums faits sous la cinquième République concernent l’organisation de la République ou la souveraineté de notre pays et ce genre de sujet. Jamais un sujet « sociétal » n’a fait l’objet d’un referendum.

«  Eh bien, c’est sur ce texte comme celui-ci qu’il fallait organiser un référendum. Voilà un sujet qui intéresse l’opinion, qui est déterminant pour nos familles, qui pouvait parfaitement donner lieu à un grand débat public, entendu de nos compatriotes » nous dit le Député.

Non ! Jamais un tel texte n’a fait l’objet d’un referendum.

« L’article 11 de la Constitution permet toujours au Président de la République d’avoir recours à ce référendum. »

Ca se discute. Je vais donc vous chercher l’article 11. Ne bougez pas !

« Article 11

Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. […] »

Je vous laisse juge…

Revenons à Marc Le Fur qui poursuit « Monsieur Roman, le peuple, ça vous gêne, je sais ! Mais le peuple peut s’exprimer par la démocratie directe. Vous aviez cette possibilité. » Le peuple s’est exprimé le 6 mai à partir d’un engagement clair. Le peuple s’est ensuite exprimé pour élire des députés en qui il a confiance pour voter des lois. On appelle ça la démocratie représentative. C’est d’ailleurs amusant de voir un député expliquer qu’il n’est pas compétent pour se prononcer sur un texte.

« On nous oppose des arguties selon lesquelles ce type de référendum ne peut concerner que des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et l’on prétend que la famille ce n’est pas social. Ben voyons ! La famille appartient parfaitement au champ social. » Je vous laisse juge. Il n’empêche qu’en droit, et nous sommes au cœur du droit, le mot social s’applique à ce qui se rapporte aux relations du travail (comme le droit social, la sécurité sociale,...) et à ce qui se rapporte aux relations entre actionnaires d’une même société (comme le rapport social, le mandat social, les parts sociales,...).

« L’emploi du mot « sociétal » n’a pas de sens ici puisqu’il s’agit d’un néologisme qui n’existait pas en 1958 au moment de la rédaction de la Constitution et donc de son article 11. » Allons bon ! Ils n’étaient pas très précis, à l’époque.

« Nous avions la possibilité d’organiser ce grand débat et, croyez-moi, la réponse, je la connais, elle aurait été du côté de la famille. C’est précisément cette réponse que vous anticipiez et dont vous ne vouliez pas ! »

Pas du tout, tous les sondages montrent qu’une large majorité de la population est favorable au mariage pour tous. Un député n’est pas censé être au courant des souhaits de ses électeurs ?

J’en reviens au referendum.

Le précédent Gouvernement, du temps de la Présidence de Nicolas Sarkozy n’y a jamais fait appel. Pourtant, le referendum était au cœur du programme de Nicolas Sarkozy en 2012.

Pourtant, au cours de ce quinquennat, le 23 juillet 2008, une modification de l’article 11 a été faite. Il a été ajouté (pour résumer) : « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. » suivi de « Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. »

Or cette loi organique n’a jamais été faite (elle est restée à l’état de projet et n’a jamais été présentée au Parlement).

A ce stade, je me demande si les députés UMP sont très bien placés pour exiger un referendum. Et pour lancer une avant dernière vacherie : cela fait plus de 40 ans qu’aucun referendum proposé par une majorité de droite n’a eu un résultat positif !

Le dernier referendum proposé par la droite (mais soutenu par une majorité du Parti Socialiste et des zigotos comme moi) a été une catastrophe. C’était le 29 mai 2005. Depuis nous avons eu quelques catastrophes économiques liées à la monnaie que nous avons en commun avec d’autre pays. Mais peu importe, un nouveau traité est entré en vigueur le 1er décembre 2009.

Ce traité a été imposé de force aux Français qui avaient refusés le traité similaire précédent alors que Marc Le Fur était déjà vice-président de l’Assemblée Nationale et qu’il rentre indiscutablement dans le cadre défini par l’article 11 de la constitution.

C’est à l’époque qu’il fallait exiger une évolution de la constitution. Pas maintenant.

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